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Antoine Du Saix, “Qui cuideroit faire plaisir à tous”, 1559

“Commune recompense du peuple.”

Introduction

Antoine du Saix (né  Bourg-en Bresse au début du XVIe siècle et mort en 1579) est le type même de l’humaniste de son époque. Il est à la fois homme d’église, précepteur du Duc Charles de Savoie et ambassadeur du duché en France – car si la Savoie est aujourd’hui une région française, jusqu’en 1860 elle était un territoire autonome. Antoine Du Saix est donc amené à fréquenter la cour, où l’on pratique souvent la poésie. Même si son recueil Le Marquetis de pieces diverses ne paraît qu’en 1559, à une époque où ce sont les poètes dits de la Pléiade qui sont plutôt à la mode, il y rassemble des poèmes dont beaucoup ont dû être composés dès les années 1530 (certains d’entre eux sont datés) et qui sont écrits plutôt dans le style de la génération précédente, celle qui préfère imiter Clément Marot. Ce n’est toutefois pas dans cette épigramme, où Du Saix délivre un enseignement moral et religieux, que l’influence du “Prince des poètes” du règne de François Ier se fait le plus sentir.
La religion paraît centrale de ce poète, et certains de ses vers en témoignent. Si l’on peut déjà se faire une idée, en lisant notre épigramme du regard qu’il porte sur l’humanité d’une part et sur la foi chrétienne d’autre part, cette impression se trouve confirmée par l’épigramme qui suit immédiatement dans le recueil et que nous reproduisons aussi.
Toutefois, pour ne pas fausser l’image plus complexe que ce poète donne de lui dans son recueil en “marquetis”, c’est-à-dire composé comme une sorte de mosaïque d’éléments variés, il faut replacer ces textes sérieux dans un contexte plus large : Antoine Du Saix, aussi surprenant que cela puisse paraître à un lecteur d’aujourd’hui, écrit également des textes très osés ou traitant au moins de sujets plus légers, par exemple de bons repas bien arrosés en compagnie d’amis. Son ami Rabelais, d’ailleurs, lui donnait le surnom de “jambonnier”, car il semble avoir beaucoup apprécié cette charcuterie dont il parle aussi souvent que possible. Il n’est donc pas seulement le croyant austère et fervent que l’on voit s’esquisser ici.


Texte

Qui cuideroit[1] faire plaisir à tous
Et contenter toute une multitude,
Il en prendroit de colere la toux,
Car d’un commun[2] ne vient qu’ingratitude.
Mais qui veult bien employer son estude
Et profiter des œuvres que faisons,
Peut heriter ès[3] divines maisons.
Si bons Chrestiens et fideles nous sommes,
À nostre Dieu faut compter noz raisons :
Car sage n’est, qui se confie[4] aux hommes.

Source : Marquetis de pièces diverses, 1559.


Notes

[1] Celui qui croirait.

[2] D’une communauté de personnes.

[3] Agglutination de la préposition “en” et de l’article défini “les”. Ici, il faut comprendre que le poète affirme que si on étudie et agit en bon chrétien on peut espérer en être récompensé au ciel.

[4] Car il n’est pas sage, celui qui fait confiance aux hommes.


Lecture complémentaire

“Seule assurance au bien souverain”

L’âme en ce corps a telle hydropisie
Qu’à convoiter ell’ est insatiable.
Le monde est vain, et plain d’hyprocrisie,
Beau prometteur, menteur et variable.
Pour asseoir donc esperance immuable,
Cercher nous faut thresor ferme et fourny,
C’est Jesus Christ le seul bien infiny,
Ce souverain, qui nostre ame contente :
Car des mondains l’homme est si bien puny,
Qu’en si fiant, il perd l’ame et l’attente.

Source : Marquetis de pièces diverses, 1559.


Questions

  1. Quelle image de l’humanité nous donne la première épigramme ? Justifiez précisément votre réponse.
  2. Dans ces deux poèmes, à quoi voit-on que l’auteur cherche à inculquer un enseignement moral à ses lecteurs ?

En lisant, en écrivant*. Écrit d’appropriation

[*D’après un titre de Julien Gracq]

Sujets de réflexion
  • Vous n’êtes pas convaincu par la vision de l’humanité que présente Antoine Du Saix dans ses deux poèmes : quels arguments et quels exemples pourriez-vous lui opposer ?
  • En vous appuyant sur les exemples précis d’auteurs de toutes époques qui ont composé des poèmes à visée didactique, vous vous demanderez si l’écriture poétique peut être un moyen efficace pour enseigner.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Margaux Limousin (21 février 2021). Antoine Du Saix, “Qui cuideroit faire plaisir à tous”, 1559. Fleur des Tanneurs. Consulté le 17 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/opgs


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